lundi 6 février 2012

On sort ce soir ?


Il fait –5° ; -10° ressentis selon la météo, je marche dans les rues glacées de Pigalle, non par choix mais parce que c’est près de chez moi.
J’ai vomi la moitié de mon rhum Chicanos en fumant une cigarette, j’ai le gout du vomi dans le nez.
Cela fait plus de deux mois que je ne suis pas sorti à Paris. Ce soir je me suis motivé malgré mes 65h de travail hebdomadaire, mes yeux sont creusés et j’ai perdu pas mal de kilos en chemin.
J’ai essayé de faire ça bien, j’ai enlevé mon pull confortable pour porter une chemise en velours couleur camel, J’ai mis du parfum et je me suis frotté les joues pour avoir l’air moins blanc.
 Je me traine avec mon fidèle colocataire près d’un ancien club lesbien dans lequel je suis rentré saoul,  drogué, en guenille ou bien habillé et frais comme un gardon.  Nous faisons la queue comme des moutons, je n’ai jamais vu autant de bonnet St-James de toute ma vie.
Le videur emmitouflé dans un châle beige me pose la question de merde :
-« Vous êtes combien ? »
-« ben deux.. »
-« désolé c’est pas possible »
Je n’essaye même pas de discuter, nous parcourons  quelques mètres en baissant les yeux et en sentant le poids de l’humiliation couvrir doucement nos épaules.
On se demande pendant quelques minutes où aller. Nous valons beaucoup mieux  que  ces connards trônant devant la boite et nous regardant en souriant. Le sentiment de violence me suce l’esprit mais je suis déjà résigné, je sais que je suis condamné à tenir des propos aigris et à chier sur cette vie parisienne que j’embrassai avec fougue il y a quelques mois.
Mon lit est immense et je me sens bien seul dedans, ma tête tourne, je suis déshydraté,  seules mes pensées de hippies arrivent à me calmer. Je conduis un vieux break Volvo vert bouteille sur de longues routes côtières, J’écoutes Neil Young en me frottant la barbe et j'ai les cheveux rongés par le sel. 
Ces images me permettent d’échapper à cette vie qui me baise à petit feu.
On fuit chacun à sa manière.
Demain est un autre jour, je lirai des livres et je me promènerai dans le parc de Belleville histoire que samedi passe plus vite.

Paris m’excite et parfois Paris me fatigue.

Guillaume Rouan


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