Il fait –5° ; -10° ressentis selon la
météo, je marche dans les rues glacées de Pigalle, non par choix mais parce que
c’est près de chez moi.
J’ai vomi la moitié de mon rhum Chicanos en
fumant une cigarette, j’ai le gout du vomi dans le nez.
Cela fait plus de deux mois que je ne suis pas
sorti à Paris. Ce soir je me suis motivé malgré mes 65h de travail
hebdomadaire, mes yeux sont creusés et j’ai perdu pas mal de kilos en chemin.
J’ai essayé de faire ça bien, j’ai enlevé mon
pull confortable pour porter une chemise en velours couleur camel, J’ai mis du
parfum et je me suis frotté les joues pour avoir l’air moins blanc.
Je me
traine avec mon fidèle colocataire près d’un ancien club lesbien dans lequel je
suis rentré saoul, drogué, en guenille
ou bien habillé et frais comme un gardon.
Nous faisons la queue comme des moutons, je n’ai jamais vu autant de
bonnet St-James de toute ma vie.
Le videur emmitouflé dans un châle beige me
pose la question de merde :
-« Vous êtes combien ? »
-« ben deux.. »
-« désolé c’est pas possible »
Je n’essaye même pas de discuter, nous
parcourons quelques mètres en baissant les
yeux et en sentant le poids de l’humiliation couvrir doucement nos épaules.
On se demande pendant quelques minutes où
aller. Nous valons beaucoup mieux
que ces connards trônant devant
la boite et nous regardant en souriant. Le sentiment de violence me suce
l’esprit mais je suis déjà résigné, je sais que je suis condamné à tenir des
propos aigris et à chier sur cette vie parisienne que j’embrassai avec fougue
il y a quelques mois.
Mon lit est immense et je me sens bien seul
dedans, ma tête tourne, je suis déshydraté,
seules mes pensées de hippies arrivent à me calmer. Je conduis un vieux
break Volvo vert bouteille sur de longues routes côtières, J’écoutes Neil Young
en me frottant la barbe et j'ai les cheveux rongés par le sel.
Ces images me
permettent d’échapper à cette vie qui me baise à petit feu.
On fuit chacun à sa manière.
Demain est un autre jour, je lirai des
livres et je me promènerai dans le parc
de Belleville histoire que samedi passe plus vite.
Paris m’excite et parfois Paris me fatigue.
Guillaume Rouan