mardi 20 mars 2012

Tu seras un homme mon fils by J'm

Rentrer dans le cadre, être comme tout le monde, imiter, mimer, calquer, décalquer. 
À ton âge j’étais marié, j’avais des enfants, à ton âge... Célibataire ? 40 ans ? Il y a un problème ! 
Il y a un problème ? Dans ta vision des choses peut-être... Combien de fois m’a t-on demandé quand, enfin, je deviendrai stable, quand, enfin, je ferai comme tout le 
monde, quand, enfin, j’aurai la joie d’être papa ? La joie d’être papa, faut-il encore en être persuadé. Cette façon qu’ont certaines personnes d’occulter et de simplifier une 
partie de leur vérité... Les enfants sont tellement extraordinaires, tous, alors d’où sortent tous ces gens si ordinaires que je croise ?
Le temps passe, n’oublies pas que le temps passe, tu n’as pas toute la vie. 
J’ai toute ma vie, elle m’appartient, intégralement. 
Je m’interroge, je compte mes pas, je compte mes doigts, un, deux, et puis trois... Je voudrais savoir où je suis, où j’en suis, ce qu’il me reste dans cette vie, je voudrais 
sans en être vraiment sûr.
Je regarde derrière, devant, de tous côtés, encore. Je me mire, j’introspecte, je dissèque, j’analyse, je divise, j’expertise, j’algébrise, j’arithmétise. Un bilan qui balance 
pour un résultat. J’ai un doute, je redoute l’erreur, la faute, l’oubli. Je re-brosse, rebrousse, un demi-tour, une fois, deux fois, je fais valser mes souvenirs, une valse qui a 
mis le temps à part, de côté. Une pause qui pose les choses sur un papier, immaculé à la naissance et puis teinté, encré, tatoué, par quelques coups de crayon, noir 
pour l’histoire, bleu pour mes yeux, rouge pour la rage, blanc pour le black - out.

J’ouvre les yeux, j’observe le temps, l’heure c’est l’heure, ma montre comme une prothèse, une obsession, une partie de moi. Je sais, je vieillis et la petite aiguille tourne 
bientôt comme une grande. Je conscientise précisément inconsciemment, le temps s'accélère, la fin se dessine, dessein de vie, du flou d’abord, puis l’horizon qui se 
rapproche.
Est-il temps de ne plus penser qu’à moi, de m'inquiéter pour une autre, de créer autre chose, une autre vie, suis-je prêt à endosser cet autre costume, à devenir adulte. 
Adulte, comme un gros mot, comme un défaut, un homme qui n’a plus d’emprise sur le temps, qui ne voit plus le monde qui l’entoure, pris dans le train-train, dans les 
tracas, dans les devoirs, sans plus de droits. Une gestion en bon père de famille comme ils disent, il en existe, homme responsable comme il se doit sur qui tout et tous 
reposent. De larges épaules qui me paraissent si frêles, la mélancolie au fond de l’oeil, le regret de ne plus être célibataire, l’envie ressentie quand je leur parle de ma vie. 
Mais il le faut, fonder une famille, on se doit d’en avoir une, j’ai bien compris, c’est ainsi, c’est le cadre, la société, on est élevé pour élever, on reproduit de père en fils, 
alors on fait croire à tout le monde que tout est merveilleux, et tellement facile comme une image d’Épinal.
Mais après tout pourquoi pas ! Mais alors créer cette nouvelle vie, l’inventer, sans clichés, sans train ni rail, sans chemin tout tracer, un funambule marchant sur son fil, 
équilibriste de la vie, et pour tout cela, rencontrer.

Ouvrir les yeux, être attentif, mater, mirer, bigler, scruter, toiser, jeter un oeil pour trouver l’île à défaut d’elle, un Eden pour une Eve. Une âme en peine sereine et gaie, 
une Ariane, une Pénélope, comme un bâton de pèlerin. Celle qui sera là et toujours là, qui me guidera tel un sherpa vers ce qu’il a de meilleur en moi, un Nirvana, 
l’Annapurna. 
Rencontrer quelqu’une, peu quelconque, prête à dompter ce lion, pour que ma montre n’ait plus d’aiguilles.

Partager mes 40 ans pour n’en faire que 20, et ne plus entendre l’interminable refrain que l’on me sert sans cesse : Toujours célibataire ?


By J’m

2 commentaires:

  1. Comme je te comprends et pourtant je suis de ceux qui ont fondé (deux fois) une famille, avec enfants, et chats, et poissons rouges, et repas de famille, et histoire du soir et mal de crâne du dimanche matin sans rémission possible. Des fantasmes, parfois des réalités. L'image d’Épinal que tu évoques : les enfants proprets, fille aux cheveux peignés, garçons aux genoux esquintés, père au regard débordant d'amour, maman aux salières saillante, fatiguée mais ravie.
    Des moments de rancœur aussi à se dire "j'aurai pu être ailleurs, autrement".
    J'aurai pu ou pas.
    Pas.
    On ne choisit pas toujours. J'avais dit à 15 ans " pas d'enfants, pas d'attache, pas de patrie !!! Tout ça m'ennuie."
    J'ai tout cela aujourd'hui. Mais je n'ai pas choisi. Ce sont eux qui sont venus à moi et j'étais bien heureuse de les laisser rentrer.
    J'ai aussi ôté ma montre et c'est en collant mon oreille à leurs coeurs que je rythme mes humeurs et prends soin des leurs.
    40 ans ? Il faut parfois plus de temps à certain pour se laisser capturer. Il faut parfois plus d'une seule vie pour y arriver. Et est-ce un but en soi ? le couple, la famille ... pffttt
    Le tic tac de la vie a plusieurs vitesse.
    Plusieurs ivresses aussi.
    Trouver le point d'intersection.
    Big Bang

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    1. Je m'incline avec respect devant ce commentaire, le ton, les mots, l'ivresse et le pffttt.
      Deux billets en un comme une symphonie à 4 mains, c'est un délice, et puis ce Big et puis ce Bang, une explosion, 14 juillet, un coup de foudre, un point final pour une re-naissance.
      Il ne reste plus qu'à trouver ce fameux croisement, yaplu, yaka, celui qui par deux fois t'a donné foi, en toi, en la vie.
      Merci Carol, madame La Fée je vous salue, bien bas...

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